Qu’est-ce qu’un cours d’eau de qualité ? Comment le déterminer ?

source ODE43

Dans un écosystème, les différents peuplements biologiques sont en équilibre entre eux et avec le milieu. Mais cet équilibre est fragile. Les organismes vivants sont sensibles à une large gamme d’impacts (physiques, chimiques, biologiques) et vont réagir de façon plus ou moins graduée aux perturbations subies par les cours d’eau.

Sur des stations de mesures représentatives de secteurs de cours d’eau sont ainsi étudiés les peuplements biologiques aussi bien que leur milieu de vie en échantillonnant la faune, la flore, l’eau et les sédiments.

Le Système d’évaluation de l’état des eaux (SEEE)

En 2000, avec la Directive Cadre Européenne sur l’Eau, les méthodes d’évaluation de la qualité ont évolué afin d’homogénéiser les pratiques sur l’ensemble des pays européens. Le bon état, objectif environnemental, est atteint quand l’état écologique et l’état chimique sont au moins « bons ».

État écologique

Il consiste en l’appréciation du fonctionnement des écosystèmes aquatiques associés aux eaux de surface, et est mesuré à partir de 3 éléments de qualité :

  • les éléments biologiques, indicateurs de la qualité du milieu sur le long terme. Sont étudiés les poissons, les invertébrés aquatiques visibles à l’œil nu (insectes, crustacés, mollusques, vers, etc.), les diatomées (algues microscopiques), et les végétaux aquatiques supérieurs. La qualité du milieu est déduite de calculs basés sur le nombre d’espèces, leur abondance, ou leur sensibilité à la qualité de l’eau. La faune et la flore sont ainsi considérés comme de très bons indicateurs de la qualité d’un milieu : on parle de « bioindicateurs »

Quelques exemples de méthodes de bio-indication

L’étude des peuplements d’invertébrés aquatiques

Les « macro-invertébrés » aquatiques sont constitués des petits animaux visibles à l’œil nu (> à 0,5 mm), sans squelette, et vivant au fond des cours d’eau. Ils colonisent ainsi des habitats très diversifiés : sous les pierres, dans le sable, les plantes aquatiques, les racines des arbres etc… et s’installent également en fonction de la vitesse du courant. Les macro-invertébrés aquatiques sont principalement constitués d’insectes aquatiques, de crustacés, de mollusques, de vers.

Les macro-invertébrés, de par leur tolérance variable aux polluants, sont de bons indicateurs pour évaluer la qualité de l’eau et des habitats. De plus, leur durée de vie est suffisamment longue (quelques mois à quelques années) pour fournir un historique de la qualité environnementale. Certains groupes de macro-invertébrés tels que les vers sont ainsi peu sensibles aux perturbations, ils sont dits « polluotolérants », contrairement à d’autres tels que les éphémères, trichoptères ou plécoptères, sont dits « polluosensibles ».

Etui de la larve et stade aérien du Trichoptère Odontocerum Albicorne (C) G. COPPA

Lors d’un prélèvement, les techniciens décrivent la station à prélever en identifiant les habitats présents, fonction des supports et vitesses de courant. Ils collectent ensuite les macro-invertébrés présents sur les différents habitats à l’aide d’un filet spécifique. Dans l’échantillon récolté, les macro-invertébrés sont mélangés à de nombreux débris. Le premier travail à effectuer au laboratoire consiste donc en une phase de tri afin d’extraire les macro-invertébrés grâce à une colonne de tamis. Les invertébrés extraits sont ensuite déterminés (identification de la famille ou du genre) à l’aide d’une loupe binoculaire (grossissement x80), puis enfin dénombrés.

A partir de la liste des invertébrés obtenus sur une station, un indice biologique peut être calculé, en fonction du nombre de taxons capturés, du taxon le plus polluo-sensible prélevé, ou d’autres descripteurs de la composition du peuplement. Il existe différents indices comme l’IBGN ou l’I2M2.

Larve et stade aérien « subimago » d’Ephéméroptère Ecdyonurus dispar (C) J. KARDACZ

L’étude des peuplements piscicoles

Si un indice appelé IPR est mis en œuvre dans le cadre de la Directive cadre sur l’Eau, il faut souligner que dans le Doubs, la Fédération pour la pêche et la protection du milieu aquatique (avec le soutien de l’OFB, de l’Agence de l’eau RMC et du Département) pilote un réseau de mesure doté d’un protocole d’échantillonnage plus complet : l’inventaire par pêches successives. Ce protocole permet au gestionnaire de disposer d’une parfaite connaissance des espèces présentes et de leur abondance (densité, biomasse) et de suivre l’évolution des populations au cours du temps.

Pêche électrique d’inventaire (C) L. GEORGES CD25 et FDPPMA25

La méthode consiste à soumettre les poissons à un champ électrique, non létal, qui  induit chez les poissons un comportement d’électrotaxie (déplacement forcé d’un organisme soumis à un champ électrique). Cela s’explique par une contraction involontaire des muscles locomoteurs chez les poissons.

Le voltage délivré lors de la pêche est réglé et adapté à chacune des situations, afin de minimiser les impacts sur les poissons tout en étant efficace lors de leur capture. La pêche électrique, pratiquée par des personnels qualifiés, avec un matériel adapté, est très peu nocive pour le poisson, qui peut être remis à l’eau après les opérations.

Au cours d’une pêche d’inventaire complète, la capture d’individus est réalisée par épuisement des stocks sur plusieurs passages sans remise à l’eau entre les passages (stabulation dans des viviers). Deux passages au minimum sont alors effectués, mais plus souvent trois dans le département du Doubs pour une estimation des plus fiables !

Biométrie de truite et brochet (C) L. GEORGES CD25 et FDPPMA25

Après chaque pêche, une biométrie est effectuée durant laquelle tous les individus capturés sont identifiés jusqu’à l’espèce,  mesurés et pesés. On peut ainsi estimer le peuplement total : ce qu’on a capturé plus une estimation statistique de ce qui est resté. Les liste d’espèces, les densités, biomasse, abondance d’alevins ou géniteurs, sont alors analysés pour déterminer la qualité du peuplement et les facteurs limitants.

A l’échelle du Département, la Fédération du Doubs pour la pêche et la protection du milieu aquatique suit ainsi de manière récurrente une quarantaine de sites.

  • les éléments physico-chimiques généraux : Matières organiques, oxygènes dissous, température, nitrates, nitrites, ammonium, phosphates, phosphore total, pH, etc. : ce sont des indicateurs précis de la qualité d’eau, mais uniquement à l’instant « t » du prélèvement. L’état physicochimique sera défini par l’élément le plus pénalisant observé sur les 3 dernières années.

  • les polluants spécifiques : Ces substances sont celles qui sont le plus fréquemment détectées dans les eaux de surface et les sédiments. Ils sont au nombre de 17 pour le bassin Rhône-Méditerranée. Ces substances ne doivent pas dépasser une valeur seuil spécifique, appelée « norme de qualité environnementale » (NQE).

État chimique

L’état chimique est déterminé sur la base du contrôle de 53 substances : 8 substances dites dangereuses et 45 substances prioritaires. Le bon état chimique est atteint quand les concentrations ne dépassent pas les normes de qualité environnementale (NQE) de ces substances.

Pour aller plus loin, retrouvez ci dessous le guide méthodologique 2023 relatif à l’évaluation de l’état des eaux de surface continentales (cours d’eau, canaux, plans d’eau)